Les compétences: un enjeu fort pour la filière automobile

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La disponibilité et l’accès aux compétences: levier clé de compétitivité des entreprises tournées vers l’innovation

Pour les entreprises, l’enjeu des compétences se manifeste en premier lieu à court terme car nombre d’entre elles rencontrent des difficultés à recruter sur leurs métiers actuels. C’est le cas en particulier des entreprises dont l’activité principale porte sur la fabrication. Elles ont besoins de techniciens capables de faire tourner leurs machines, qui sont souvent des machines numériques, en fonction de leur carnet de commande. Cette difficulté renvoie à plusieurs facteurs.

Sur certains bassins d’emploi et en particulier dans les deux Savoie et du côté de l’Ain, les entreprises constatent une fuite des talents et des compétences vers la Suisse qui offre de meilleures rémunérations. Les entreprises font donc face à une difficulté à attirer et surtout à garder les compétences.

Ensuite les entreprises observent également une évolution des aspirations des jeunes diplômés. On constate assez souvent que l’entreprise accueille l’ingénieur qui sort de l’école, le forme en interne les premières années et au moment où il devient pleinement opérationnel, il peut aspirer à d’autres expériences, comme par exemple voyager et découvrir le monde. Ce changement d’état d’esprit des nouvelles générations, ce moindre sentiment d’appartenance à l’entreprise, posent question aux entreprises.

Enfin, de manière plus structurelle, on constate que la voie professionnelle dans les métiers de la filière automobile souffre d’un déficit d’attractivité. Les formations existantes ont parfois du mal à recruter des étudiants. De moins en moins de jeunes se tournent vers cette filière dont les métiers apparaissent plus rudes, moins dans l’air du temps et moins rémunérateurs que ceux de la filière numérique par exemple. Cet enjeu n’est pas le moindre car c’est beaucoup plus difficile de redorer l’image d’une filière que de la dégrader. L’énergie à déployer pour gagner des points d’image est considérable.

Nous pouvons souligner cet enjeu de perte d’attractivité de certaines filières de formation pour des étudiants qui sont de plus en plus sensibilisés aux enjeux de transition écologique. Dans ce contexte, l’automobile et la route sont parfois considérées comme des filières peu sensibles aux exigences du développement durable de la planète. Ces perceptions ont quelque chose de légitime, mais sont un peu courtes car la transformation des filières en question est justement indispensable pour répondre aux enjeux de transition écologique. Cela suppose de former les personnes dont elles ont besoin pour accomplir ces transformations. In fine, c’est l’ambition de la filière automobile et des écoles qui forment à ses métiers en matière de transition qui se trouve challengée.

Des besoins de compétences plus émergents

La filière automobile connait des mutations profondes, que l’on peut catégoriser comme suit:

  • La transition écologique avec la transformation du mix énergétique au profit des motorisations hybrides, électriques (batterie et hydrogène), GNV,…;
  • La transition numérique à travers la digitalisation des véhicules et de l’outil de production ;
  • Des évolutions sociétales qui impliquent un autre rapport à l’automobile à travers la montée des offres de services de mobilité.

Concernant la digitalisation, il faut bien distinguer ce qui relève des véhicules et ce qui concerne l’outil de production. Les véhicules deviennent plus complexes, avec de plus en plus de systèmes électroniques embarqués, d’électronique de puissance. Il y a une tendance de plus en plus forte en faveur des pièces dites mécatroniques ou plastroniques, c’est-à-dire intégrant de l’électronique. Or cela renvoie à des savoir-faire qui ne sont pas le cœur de métier historique de la filière automobile qui était plutôt orientée mécanique ou plasturgie. On voit bien l’enjeu que cela soulève en termes d’acquisition de nouvelles compétences en matière d’électronique pour les entreprises. D’autre part, la digitalisation de l’outil de production se déploie pour gagner en compétitivité, être plus efficient, au niveau des ERP (Enterprise Resource Planning : système d’information permettant de gérer et suivre au quotidien l’ensemble des processus opérationnels d’une entreprise), de la supply chain, de l’outil de travail. Là aussi, un conducteur de ligne de production ou un opérateur de maintenance sont amenés à évoluer vers de nouvelles compétences qui vont au-delà de réglages mécaniques pour maitriser de nouveaux outils et applications numériques.

Cette évolution aussi bien des produits fabriqués que des outils de production soulèvent donc des besoins de nouvelles compétences sur des métiers existants, mais aussi des besoins de compétences relativement neufs pour la filière automobile liés aux nouvelles technologies. Les enjeux concernent non seulement la formation initiale pour intégrer de nouvelles compétences mais aussi la formation continue pour accompagner les salariés vers les nouvelles compétences qui sont attendues sur leurs métiers. Ces mutations enclenchent une forte accélération du changement dans la filière automobile. C’est quelque chose d’assez nouveau pour une filière qui était plutôt marquée par des évolutions assez lentes et cycliques par le passé.

Il est important de souligner que ces mutations fortes impactent le périmètre même de ce que l’on entend traditionnellement par filière automobile. D’une part, les entreprises de la filière sont amenées à intégrer des technologies et des savoir-faire qui se sont développés jusqu’ici en dehors. On pense notamment à l’électromobilité et l’hydrogène qui connaissent un développement spectaculaire dans la filière. On observe des mutations sur des éléments fondamentaux tel que la fabrication des pièces, avec le passage de méthodes de type fonderie à des méthodes de types fabrication additive, ce qui change en profondeur les métiers de conception et de production. D’autre part, le déplacement de l’automobile vers la notion de système de mobilité, voire de service de mobilité ou « mobility as a service » fait que l’on voit des entreprises extérieures à la filière investir rapidement le champs du transport et de la mobilité, et notamment autour des nouveaux services numériques.

Ainsi on constate que le périmètre de la filière automobile se transforme et tend à s’élargir en intégrant la question des véhicules dans un système de mobilité plus global. Ce bouleversement de l’écosystème de la filière automobile pose de sérieux défis aux entreprises traditionnelles pour se positionner par rapport à ces mutations qui impliquent une évolution de leur propre périmètre et donc de leurs métiers. Dès lors la question du périmètre des métiers de l’automobilité, et des compétences qu’il y a derrière, apparait particulièrement évolutive et complexe. En même temps les entreprises ne peuvent pas se permettre d’attendre d’avoir tiré toutes les implications de ces évolutions pour avancer en matière de compétences. Elles sont obligées de faire des paris : nous pressentons que ce qu’il va se développer c’est cela et nous investissons en conséquence dans tel ou tel champs de compétences.

Quelle perspective pour l’identification des besoins de compétences et les réponses en termes de formation ?

Les initiatives en faveur de la gestion des compétences et l’offre de formation existante sont déjà très étoffées. Et de nombreux acteurs travaillent sur ces problématiques. En revanche, il reste encore des progrès à accomplir pour que les acteurs travaillent davantage ensemble (entreprises, services de l’Etat, branches professionnelles, organismes de formation et de recherche, pôles,…). C’est une des clés pour réussir le challenge qui est celui de la mutation de la filière.

Un enjeu national

La filière automobile est structurée en France autour de la Plateforme Automobile (PFA – Filière Automobile et Mobilités). Celle-ci rassemble l’ensemble des partenaires (constructeurs, équipementiers, sous-traitants et acteurs de la mobilité) pour définir et mettre en œuvre la stratégie de la filière française en matière d’innovation, de compétitivité, d’emploi et de compétences. En 2016, la PFA a déposé un PIA (Plan d’Investissement d’Avenir) intitulé « Attractivité, Compétences, Emplois ». Il répond à un besoin d’anticipation de la filière face aux mutations économiques, technologiques et sociétales : quels besoins de compétences et d’emplois du secteur à court, moyen et long terme ? Cette initiative découle entre autre, d’une étude prospective sur les besoins en compétences de la filière automobile réalisée par l’observatoire des métiers de la métallurgie qui a permis d’identifier les métiers en tension et les métiers en mutation, ainsi que les besoins de compétences associés. Sur la base de ce travail, tous les pôles automobiles en région ont été mobilisés afin de se positionner sur le sujet, de proposer des projets pour intégrer ce PIA national.

Et CARA dans tout ça?

Au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes, CARA est co-porteur avec l’Education Nationale d’un projet permettant de créer des parcours de formation, en lien avec le Campus des Métiers et des Qualifications.

Les Campus des Métiers et Qualifications (CMQ) sont un dispositif national lancé par le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse et le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Un CMQ réunit sur un territoire donné un ensemble d’acteurs – établissements d’enseignement secondaire et supérieur, organismes de recherche, rectorats, DIRECCTE (Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), collectivités, entreprises, pôles de compétitivité, clusters, plateformes technologiques, etc. – afin de construire une offre de formation initiale et continue autour d’une filière à fort enjeu au plan économique. Le CMQ constitue donc un cadre de coopération privilégié entre le milieu des entreprises et le milieu de l’enseignement (avec une approche large couvrant le secondaire et le supérieur) pour répondre aux enjeux d’emploi et de développement des compétences sur les territoires. Le label CMQ délivré par le Ministère de l’Education permet de disposer de moyens pour financer tout ou partie de l’animation du dispositif. On compte une dizaine de CMQ en région Auvergne-Rhône-Alpes, portés par le Rectorat et soutenus par la Région.

Hélène Fantinutti, Directrice Axe Développer – CARA
Jean-Baptiste Lesort, ancien Vice-président Enseignement Supérieur, Recherche et Développement des Compétences du pôle de compétitivité CARA

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