Les impacts des mutations de la construction automobile sur l’emploi et les compétences

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La filière automobile a connu par le passé plusieurs périodes de crises. La plus marquante étant la crise de 2008 qui a contraint les entreprises à faire évoluer structurellement leurs modes de fonctionnement. Pour autant, la période que nous connaissons depuis 2019 impacte encore plus profondément la filière par l’importance des mutations qu’elle doit conduire mais également par la rapidité avec laquelle elle doit opérer cette transformation. La crise sanitaire liée à la pandémie COVID-19 a encore accentué cette tendance.

Le 1er constat que l’on peut faire aujourd’hui est qu’en France, depuis 2008, l’emploi industriel de la filière automobile a décliné plus fortement que l’emploi industriel en général. Là où l’industrie a perdu en 20 ans (2008 – 2019) environ 14% de ses emplois salariés, le cœur de filière de l’industrie automobile – codes APE commençant par 29 – a perdu quant à elle en France plus de 28% de ses emplois, ce qui représente environ 76 500 postes.

évolution de l'emploi salarié dans l'industrie automobile en France
L’évolution de l’emploi salarié en France dans l’industrie automobile entre 2009 et 2019

Ce déclin s’explique davantage par des baisses de production en France plutôt que par une augmentation de la productivité liée à la robotisation de lignes de fabrication.

Poids des constructeurs dans l'emploi total de la filière

Le 2ème constat que l’on peut faire est la part croissante du numérique dans la fabrication de véhicules. En effet, nous constatons désormais que la valeur des achats de matériels et composants informatiques, électroniques et optiques entrant dans la fabrication des véhicules rivalise désormais avec celle de produits de la plasturgie et de l’industrie du caoutchouc.

Part des branches économiques dans les consommations intermédiaires de la fabrication de matériels de transports

Le 3ème constat issu de l’actualisation de l’étude réalisée par l’Observatoire de la Métallurgie d’avril 2021 est que l’impact sur l’emploi est inégalement observé selon les régions.

Ainsi, les régions dont l’industrie automobile est très liée à un site unique de production sont plus impactées que d’autres. C’est le cas notamment de la Bretagne, dont l’activité est tirée par le site Stellantis de Rennes – La Janais.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est relativement moins impactée alors même que la part de l’emploi industriel de la filière automobile y est particulièrement représentée. Cela s’explique de plusieurs manières :

  • Les constructeurs présents en région sont des constructeurs de véhicules industriels, dont l’activité a été sensiblement moins perturbée entre 2008 et 2019 que la fabrication des véhicules particuliers.
  • Un grand nombre d’entreprises régionales, équipementiers ou sous-traitants, ont également un panel de clients à l’étranger, les rendant moins dépendantes des fluctuations de production d’un seul site constructeur.
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La typologie des emplois a également évolué fortement au cours de la période. L’emploi intérimaire, notamment pour les postes les moins qualifiés, a en effet triplé entre 2008 et 2019.

Pour les emplois intérimaire, une chute amorcé dès le début 2019, mais un effet du premier confinement qui ne se compare qu’à celui du déclenchement de la crise des « subprimes ».

Rapporté au nombre de salariés, un recours à l’intérim qui varie presque du simple (3% en 2008) au triple (9% en 2018).

Une évolution au cours de la période 2008-2019 qui illustre très nettement la fonction d’ajustement de l’intérim.

Les métiers concernés par l’intérim étant principalement des métiers d’opérateurs (60% de l’emploi), on peut considérer qu’en période de « haut de cycle », la proportion d’intérimaires rapportée à l’effectif salarié hors intérim atteint 15%, pour les catégories socio-professionnelles concernées.

Le flux d’intérimaires est quantitativement comparable à celui des remplacements de départs en retraite, de mobilités professionnelles et, le cas échéant, des créations d’emplois d’opérateurs. En d’autres termes, l’intérim joue un rôle prépondérant dans le pré-recrutement et le recrutement.

La crise sanitaire a encore accentué cette tendance pour 2020-2021. Les différentes prévisions font état d’une balance négative de l’ordre de 13 000 emplois sur le territoire national pour cette période, et les hypothèses conduisent à une baisse de l’emploi salarié dans l’automobile de l’ordre de 15%, quelles que soient les catégories socio-professionnelles.

Les principaux événements impactant l’emploi

Pour 2020 et 2021, la veille presse économique à ce jour révèle près de 18000 pertes d’emploi, dont 9000 localisables géographiquement.

Ces suppressions de postes concernent les constructeurs, les équipementiers et certaines activités ne relevant pas du cœur de périmètre de l’industrie automobile. Un exemple est chez les pneumaticiens où il y a eu près de 3000 emplois perdus.

Inversement, 4806 créations de postes permettent de limiter à environ 13 000 le nombre de pertes d’empois ; toutefois, les effets induits sur les TPE et PME échappent à cette veille.

La crise de 2020-2021 devrait porter les suppressions de postes depuis 2008 à environ 100 000 -soit 40% de l’effectif salarié en 13 ans.

projection d'évolution de l'emploi salarié dans la filière automobile

Comme cela avait déjà été identifié précédemment, l’évolution des besoins en compétences techniques suit de près l’émergence des technologies numériques dans les véhicules. Cette tendance avait déjà été mise en lumière en 2016 et 2018 au démarrage de l’étude et lors de sa première actualisation. Lors de cette actualisation, de nouvelles compétences émergent, et de nouveaux besoins liés à la chimie/électrochimie et à l’économie circulaire ont été identifiés.

Outre les compétences techniques, les compétences comportementales sont également de plus en plus recherchées.

Compétences en développement et émergence à horizon 2026

Développement logiciel et sécurité

  • Méthodologies Agiles
  • Cybersécurité
  • Architecture logiciel
  • Informatique industrielle
  • Java, C++

Expérience utilisateur

  • Ergonomie digitale, UX/UI
  • Ingénierie du son

Intelligence artificielle

  • Imagerie 3D
  • Deep learning, machine learning
  • Internet des objets
  • Réalité virtuelle, réalité augmentée

Big Data

  • Fusion de données
  • Informatique distribué, No SQL
  • Python, R
  • Modélisation statistique, statistique prédictives

Connaissance générale des nouvelles motorisations, conduite de projet – compétences transversales

  • Anglais (production, conception, logistique)
  • Management de projets interculturels
  • Transfert de compétences vers les collaborateurs

Culture numérique

  • Interface homme-machine
  • Télétravail

Sureté de fonctionnement

  • Mesure et gestion des risques
  • Modélisation statique
  • Normes de mesure et d’analyse des risques

Electricité – électronique

  • Electronique de puissance et électronique embarquée
  • Technologies de capteurs
  • Architecture électronique
  • Habilitations
  • Connectivité, télécommunications

Chimie

  • Chimie organique, biologie et polymérisation du CO2 (fixation du CO2)
  • Filtration des polluants
  • Formulation d’élastomères et de polymères

Conception

  • Simulation physique, matériaux électronique
  • Mécanique vibratoire
  • Analyse et gestion du cycle de vie, éco-conception

Technologies de production

  • Automatismes robotique et cobotique
  • Fabrication additive
  • Pilotage de ligne de fabrication
  • Contrôle qualité des réservoirs hydrogène

Economie circulaire

  • Réemploi, remise en état
  • Recyclage (ex : batterie)

A ces compétences techniques s’ajoutent des compétences transversales, qui ne sont pas spécifiques de la construction automobile mais sont de plus en plus recherchées ou valorisées dans la gestion des compétences par les entreprises.

Ces compétences décrivent la capacité, notamment parmi les encadrants, à s’intégrer dans un contexte en évolution radicale et permanente :

  • Adaptation au changement
  • Prise de recul, esprit critique, contribution à la définition et à la conduite du changement
  • Management

Dans ce contexte incertain, les entreprises industrielles de la filière doivent plus que jamais parvenir à recruter les talents leur permettant de poursuivre leur développement vers les nouveaux modes de mobilités dans un contexte particulièrement concurrentiel, non seulement en Europe mais aussi et surtout au niveau mondial.

Les questions de formations et de sécurisation des parcours professionnels, déjà identifiées comme un enjeu particulièrement important lors des études précédentes, sont réaffirmées comme une condition indispensable à la réussite de la transition de la filière auto nationale et, plus largement, de l’industrie en général.

Le challenge des entreprises repose aujourd’hui non seulement sur leur capacité à se positionner sur un secteur stratégique, mais également à s’entourer des compétences essentielles leur permettant de conserver ou même prendre de l’avance sur les technologies.

Si de prime abord la situation peut paraître défaitiste, comme dans toute transformation, le corolaire de chaque difficulté est qu’elle apporte également de formidables opportunités. Une chance pour des jeunes et moins jeunes désireux de contribuer au développement d’une mobilité plus verte, plus vertueuse et plus éco-responsable, de découvrir des métiers de passion, de s’épanouir et de contribuer à transformer les métiers de l’automobile et de la mobilité de demain. C’est bien les compétences et les complémentarités de toutes et de tous qui permettront à cette filière de se réinventer et de sortir grandie et renforcée de cette période mouvementée. Les Campus des Métiers et des Qualifications et plus particulièrement en région Auvergne Rhône Alpes  les CMQ Auto’Mobilités et Smart Energy Systems sont des relais privilégiés pour identifier les formations qui intègrent ces enjeux.